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Coup de semonce

C’EST la deuxième fois en l’espace de deux semaines que des manifestants appelant à la dissolution du parlement et au changement du système politique prennent d’assaut la place du Bardo. Au lieu d’encadrer ce genre de manifestation, qui est un droit garanti par la Constitution, les autorités, qui voient d’un œil morne ce genre de mobilisation populaire, ont préféré inventer de nouveaux procédés d’empêchement. Craignant un afflux massif de manifestants, comme ce fut le cas en 2014 avec le sit-in d’Errahil, ils ont vite fait de boucler cette place par des barbelés et interdit tout passage de véhicules.

Mais malgré ce dispositif sécuritaire, des manifestants se sont rendus hier au Bardo. Malgré leur nombre réduit, les forces de l’ordre les ont empêchés d’accéder à la place du Bardo située en face du Parlement. D’aucuns verront dans ce mouvement un échec cuisant étant donné le nombre réduit de manifestants. Mais d’autres feront une lecture plus préoccupante de ces coups de semonce à l’adresse de la classe politique au pouvoir.

Mais on peut d’ores et déjà s’inquiéter de voir l’indifférence des hommes politiques gagner du terrain, alors que les cavaliers de l’apocalypse républicaine ne font que pointer chaque jour leur apparition sur le terrain et qui sont annonciateurs des pires troubles sociaux. Bien sûr, les foudres des critiques politiques vont s’abattre sur ces grappes de personnes venues troubler la bonne marche de la transition démocratique et de les accuser d’être des seconds couteaux servant ceux qui caressent encore le rêve d’un retour au despotisme. Au lieu de vilipender ceux qui veulent abîmer la République en essayant d’allumer partout des feux de haine et de discorde, il fallait leur garantir plutôt de s’exprimer dans le cadre républicain. Car ce qui ne s’exprime pas dans ce cadre constitutionnel tourne nécessairement au soulèvement partisan et à la violence sociale.

Ne nous voilons pas la face, notre système produit aujourd’hui plus d’injustices qu’il n’en combat. Et il ne sert à rien de chercher à opposer ceux qui veulent sauver le modèle de gouvernance à ceux qui veulent le changer. Parce que les vieilles recettes ont fait leur temps. C’est ce qui nous oblige à faire des choix, à trouver de nouveaux chemins. C’est pourquoi toute mise en cause d’un système politique à bout de souffle ne doit pas être perçue comme une attaque menée contre un parti politique ou un autre. Elle est beaucoup plus profonde. En effet, chaque manifestation, chaque sit-in, chaque mobilisation, ne fait qu’exhorter à faire de la politique autrement. Ils doivent être des occasions pour de vrais débats sur les questions déterminantes pour notre pays. L’exigence de vérité nous oblige à reconnaître que la situation économique et sociale de la Tunisie est très préoccupante. Pourtant nous sommes totalement décalés par rapport à la réalité et continuons d’abdiquer devant le mensonge. Celui d’être les meilleurs. Celui de faire une exception dans le monde arabe. La vérité est que nous nous enfonçons chaque jour plus. La dégradation de nos performances économiques et sociales le prouve. Nous devons prendre conscience de cette vérité pour bâtir un nouveau projet politique, économique et social. Nous n’aurons pas alors à étouffer les voix des contestataires mais à baliser la voie à un cap vers lequel nous nous dirigerons ensemble avec toute notre diversité. Car l’important n’est pas avec qui aller, mais où aller. Un coup de semonce de plus sera-t-il capable de tirer les députés de leur sommeil ?

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